A-t-on passé l’éponge sur les scandales du monde de l’huile d’olive ? La contrefaçon des produits Made in Italy ne sera plus un délit

12 mai 2017

Le gouvernement a soumis au parlement un projet de décret législatif qui dépénaliserait le délit de contrefaçon des produits Made in Italy, en le remplaçant par une sanction administrative pouvant aller jusqu’à 9 500 euros. Mentir en disant que le produit est 100 % italien coûtera la moitié que faire une fausse déclaration sur des indications facultatives, telles que « extraction à froid » ou « fruité ».

On attendait depuis longtemps que le gouvernement adopte le décret législatif avec les sanctions en cas d’infraction du règlement 29/2012 concernant les normes de commercialisation de l’huile d’olive.
Nous ne nous attendions cependant pas que le gouvernement, après les controverses sur les produits à consonance italienne et les enquêtes judiciaires récentes, dépénalise le délit de contrefaçon des produits Made in Italy.
Voyons ce que dit exactement le projet de décret législatif actuellement examiné par les Chambres qui devront exprimer leur opinion sur cette disposition.

Article 4 (Appellation d’origine)
À moins que le fait ne constitue un délit, quiconque n’indique pas sur l’étiquette des « huiles d’olive vierge extra » et des « huiles d’olive vierge » préemballées et dans les documents commerciaux des huiles susdites aussi bien préemballées qu’à la pièce, l’appellation d’origine ou indique l’appellation d’origine de façon difforme par rapport aux dispositions de l’article 4 du règlement (UE) n° 29/2012, ou reporte des signes, des figures ou des illustrations en place de l’appellation d’origine ou pouvant évoquer une origine géographique autre que celle indiquée, est soumis au paiement de la sanction administrative d’un montant allant de 1 600 à 9 500 euros. Apparemment, le gouvernement défend la protection pénale, avec l’expression initiale « à moins que le fait ne constitue un délit », mais ce n’est que de la poudre aux yeux.
Selon l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 4 mars 2014 (Grande Stevens et autres c. Italie) : « … l’article 2 du Protocole n° 7 interdit également le « double jugement » pour les mêmes faits. Un procès pénal ne peut donc pas être entamé pour les mêmes faits faisant objet d’une décision administrative définitivement confirmée par les tribunaux et par conséquent devenue définitive… ».
En cas d’imposition de la sanction administrative prévue par le projet de décret législatif du gouvernement, si celle-ci n’est pas contestée, il est concrètement interdit aux autorités d’ouvrir ne fut-ce qu’un dossier pour « Contrefaçon des indications géographiques ou des appellations d’origine des produits alimentaires » (article 517 quater du Code pénal).
Il suffira donc de se faire imposer l’amande jusqu’à 9 500 euros par la société de contrôle pour résoudre automatiquement toutes les questions en suspens avec l’État.

La dissuasion
L’article 517 quater du Code pénal punit les personnes coupables de ce délit d’une peine de prison allant jusqu’à deux ans et d’une amende pouvant atteindre 20 000 euros.
Le schéma de décret législatif du gouvernement non seulement dépénalise l’infraction mais réduit également de moitié la sanction par rapport à celle prévue par le Code pénal.
Il est vrai que, souvent, les procès pour fraude commerciale et la contrefaçon des produits Made in Italy se terminent par la prescription, sauvant ainsi les accusés de la peine, mais il est tout aussi vrai que le risque d’encourir des problèmes juridiques, l’incertitude de l’issue du procès, quoi qu’il en soit l’anxiété et l’inquiétude jusqu’à la prescription (sept ans et demi) sont un bon moyen de dissuasion. Sans tenir compte de l’excédent de contrôles de la part des autorités auxquelles sera soumise la société qui sera insérée dans la liste des entreprises en danger dans tous les plans de contrôle.

Une amende de 9 500 euros est-elle un bon moyen de dissuasion ?
Faisons quelques calculs.
L’enquête récente menée par la Direction antimafia de Bari a mis à l’étude 7 000 tonnes de faux produits Made in Italy. L’année dernière, la différence de prix entre une huile vierge extra Made in Italy et une huile Made in UE, sans prendre en compte les huiles extra UE, était de 1-1,5 euros.
En faisant passer pour Made in Italy une huile communautaire, le bénéfice pour l’entreprise variait donc entre un minimum de 7 millions d’euros et un maximum de 10,5 millions d’euros.
Une amende de 9 500 euros est-elle un bon moyen de dissuasion ? Si nous voulions vraiment dépénaliser le délit, nous devrions rendre la sanction pécuniaire vraiment dissuasive, en la rendant égale au chiffre d’affaires généré par la fraude.
dans le cas d’espèce, selon les calculs des enquêteurs, la sanction pourrait être d’environ 30 millions d’euros. Ce serait vraiment un bon moyen de dissuasion.

Le front intérieur : la guerre entre les organes de l’État ?
C’est Elena Boschi, dans sa fonction de Ministre des relations avec le Parlement, qui a transmis le projet aux Chambres, mais celui-ci a été écrit au Ministère des politiques agricoles. Selon ce que reporte Agricolae, le texte n’aurait pas plu non plus au ministre.
Il n’est pas difficile de deviner, en fonction de l’article 10, qui est l’inspirateur de la règlementation.
L’alinéa 1 de l’article susdit identifie dans l’Icqrf (Répression des Fraudes) le seul responsable de l’imposition des sanctions, même si la violation de celles-ci peut également être vérifiée par d’autres organes de l’État.
Le rôle des différentes forces de police est ensuite affaibli et déclassifié à enquêteur : Corps forestier d’État, Carabinieri des Nas, Garde des finances, pour ne citer que celles qui s’occupent le plus fréquemment de contrôles dans les entreprises de l’agro-industrie. Celles-ci, après avoir constaté l’infraction de faux produits Made in Italy, ne devront plus transmettre la nouvelle de délit aux autorités mais transmettre le procès-verbal à la Répression des Fraudes qui s’occupera, dans le rôle de juge, d’imposer la sanction. Les inspecteurs dell’Icqrf deviendront cependant aussi bien des enquêteurs que des juges, pouvant aussi bien constater l’infraction qu’infliger l’amende.
Cas tout à fait unique, en outre, l’alinéa 4 de l’article 10 établit que 50 % du montant des sanctions sera transféré au budget de l’Icqrf. Plus de contrôles, plus d’amendes et plus d’argent à dépenser pour l’inspectorat Répression des Fraudes.

Falsifier les produits Made in Italy vaut moins que déclarer faussement « extraction à froid »
La sanction pour faux produits Made in Italy, comme nous avons déjà vu, est de maximum 9 500 euros.
Celle pour l’infraction des indications facultatives (comme « extraction à froid » ou « fruité ») arrive jusqu’à 18 000 euros.
En outre, déclarer faussement l’origine Made in Italy sur l’huile d’olive ou sur l’huile de grignons d’olive coûtera à l’escroc jusqu’à 18 000 euros, c’est-à-dire le double par rapport aux catégories huile d’olive vierge extra ou huile d’olive vierge. De toute évidence, les rédacteurs de la norme considèrent l’huile d’olive plus précieuse par rapport à l’huile vierge extra.
Nous terminons avec une bonne nouvelle, la seule de cette malheureuse histoire. Le projet de décret prévoit que les amendes soient réduites de moitié en cas de violation sur des quantités inférieures à 200 kg/l d’huile et redoublées en revanche pour des quantités supérieures à 30 000 kg/l d’huile. L’idée de proportionnalité de la peine est digne d’éloges. Cependant, une évolutivité accrue est souhaitable.